Un peu d’explication sur Rosenzweig

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La pensée de Rosenzweig permet d’appréhender l’existence humaine selon trois catégories empruntées au judaïsme et au christianisme : la Création, la Révélation et la Rédemption. Chacune de ces catégories correspond, en première approche, à l’une des trois dimensions du temps : la Création correspond au passé comme présence de ce qui est déjà là (le monde) ; la Révélation correspond au présent comme fulguration instantanée (rencontre instantanée, en régime d’événement, entre l’homme et Dieu) ; la Rédemption, enfin, correspond au futur comme ce qui n’est pas encore là.

Mais ces trois catégories prennent chez Rosenzweig un sens bien particulier : chacune d’elle est l’articulation de deux des trois éléments : Dieu, Monde et Homme. Les trois articulations forment ainsi l’entrecroisement de deux triangles superposés pour former une étoile ; les sommets du premier triangle étant occupés par Dieu, le Monde et l’homme, les sommets du second par la Création, la Révélation et la Rédemption.

Cette étoile, si elle relate les grandes modalités temporelles et spirituelles de l’existence humaine, ne forme pas un système clos sur lui-même : Rosenzweig conteste en effet à la philosophie, et plus particulièrement à la philosophie de l’histoire de Hegel, la possibilité de résorber en elle le scandale absolu de la mort dans une compréhension du temps historique comme achèvement de l’effectuation de l’Esprit dans l’histoire. La pensée de Rosenzweig surgit dans le contexte de la première guerre mondiale, et Rosenzweig prend acte de l’avènement de l’horreur à un degré qui n’avait encore jamais été atteint dans l’histoire. L’angoisse de la mort sera l’expérience cruciale qui rend impossible la thèse d’une rationalité s’incarnant toujours plus dans le réel.

Dans L’Etoile de la Rédemption, Rosenzweig refuse donc de concevoir le temps comme accomplissement d’une théodicée, comme continuité et comme devenir parfaitement intelligible de l’esprit.

Rosenzweig remplace la théodicée hegelienne par une compréhension « religieuse » de l’existence, en tant que sont mises en relation, sont reliées, les trois notions élémentaires Dieu, Monde et Homme : l’homme fait l’expérience :

 de la Création, c’est-à-dire de la rencontre entre Dieu et le monde qu’il crée

 de la Révélation, c’est-à-dire de la rencontre entre Dieu et l’homme, et l’homme se découvre aimé de Dieu.

 De la Rédemption, c’est-à-dire de la rencontre à venir (cet « à venir » ne devant pas être compris comme « temps derniers », comme nous le verrons) entre l’homme et le monde sur le mode pacifié de la réconciliation.

C’est en ce sens que Rosenzweig privilégie le judaïsme et le christianisme, compris d’abord comme religions positives, historiques, puis et surtout comme ritualités liturgiques et cycliques (les liturgies devant révéler, lorsqu’on les analyse précisément, l’ « essence » de chacune de ces deux religions), enfin comme catégories de l’être, c’est-à-dire de l’Absolu. Cela revient à dire que la vérité philosophique conjugue en elle le judaïsme et le christianisme, distincts l’un de l’autre, mais complémentaires. Rosenzweig disqualifie alors le temps historique de l’histoire universelle, et préconise d’entrer dans un temps cyclique, méta-historique, pour accéder à l’éternité et lutter contre la pure et simple disparition, quasi fatale selon Hegel, à laquelle sont voués inexorablement les différents peuples de l’histoire.

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